mercredi 30 juin 2010

Prise de tête (Rodin)



La douleur, le desespoir...

mardi 29 juin 2010

lundi 28 juin 2010

Le pigeon de la Hague (France)




Un pigeon loin de la ville, très loin de la ville


« Pigeon,
Oiseau à la grise robe,
Dans l'enfer des villes
À mon regard tu te dérobes
Tu es vraiment le plus agile. » ~ Benoit Poelvoorde

dimanche 27 juin 2010

Imagination (Camille Claudel et Rodin)



"Ma très bonne à deux genoux devant ton beau corps que j'étreins".

samedi 26 juin 2010

Rio Duraton (Espagne)



Mémoire d'une journée mémorable.

vendredi 25 juin 2010

Sauce llorón (Saint Pierre sur Dives)



"Querido sauce llorón que siempre estás enlagrimado,
llorando pareces enojado.
Quizá es porque te dejó un día
o porque dijo que quedarse no podía.
En tu rama se columpiaba,
y ahora añoras la felicidad que eso te daba.
Tus hojas regalaban fresca brisa
y creíste que nunca se apagaría su risa.
Sauce llorón, escucha el viento,
te dirá algo que calmar tu lamento.
Quizá pienses que para siempre la muerte se lo llevó,
pero en tu corazón eternamente se alojó".

mercredi 23 juin 2010

Le peintre (Rodin)







Un peintre

A Emmanuel Lansyer.

Il a compris la race antique aux yeux pensifs
Qui foule le sol dur de la terre bretonne,
La lande rase, rose et grise et monotone
Où croulent les manoirs sous le lierre et les ifs.

Des hauts talus plantés de hêtres convulsifs,
Il a vu, par les soirs tempétueux d'automne,
Sombrer le soleil rouge en la mer qui moutonne ;
Sa lèvre s'est salée à l'embrun des récifs.

Il a peint l'Océan splendide, immense et triste,
Où le nuage laisse un reflet d'améthyste,
L'émeraude écumante et le calme saphir ;

Et fixant l'eau, l'air, l'ombre et l'heure insaisissables,
Sur une toile étroite il a fait réfléchir
Le ciel occidental dans le miroir des sables.

José-Maria de HEREDIA (1842-1905)
Emmanuel Lansyer est né à Bouin le 19 février 1835, mort à Paris le 21 octobre 1893
Peintre paysagiste réaliste, ami du poète José-Maria de Heredia, élève de Eugène Viollet-le-Duc et de Courbet, il fréquenta plusieurs élèves de l'Ecole de Barbizon, notamment Théodore Rousseau et Harpignies. Tout au long d’une carrière officielle, il peignit plus de 1500 toiles; il était d'ailleurs considéré comme l'un des meilleurs paysagistes de son temps avec Corot. Il séjourna fréquemment à Loches dans la maison familiale maternelle qui abrite actuellement le Musée qui lui est consacré. Il légua en effet à la Ville de Loches sa maison, ses œuvres, ainsi que ses collections de gravures, d'objets japonais et chinois, d'estampes japonaises et des esquisses de Delacroix.
J'aime beaucoup ce tableau de lui.

Plage du mont Saint Michel, 21 juin 1880, maison Lansyer Loches

mardi 22 juin 2010

Le chat sauvage (Julouville)




« Je suis le matou. Je mène la vie inquiète de ceux que l'amour créa pour son dur service. Je suis solitaire et condamné à conquérir sans cesse, et sanguinaire par nécessité. Je me bats comme je mange, avec un appétit méthodique, et tel qu’un athlète entraîné, qui vainc sans hâte et sans fureur.

C'est le matin que je rentre chez vous. Je tombe avec l’aube, et bleu comme elle, du haut de ces arbres nus, où tout à l’heure je ressemblais à un nid dans le brouillard. Ou bien, je gIisse sur le toit incliné, jusqu’au balcon de bois; je me pose au bord de votre fenêtre entrouverte, comme un bouquet d'hiver ; respirez sur moi toute la nuit de décembre et son parfum de cimetière frais ! Tout à l'heure, quand je dormirai, ma chaleur et la fièvre exhaleront l'odeur des buis amers, du sang séché, le musc fauve...

Car je saigne, sous la charpie soyeuse de ma toison. Il y a une plaie cuisante à ma gorge, et je ne lèche même pas la peau fendue de ma patte. Je ne veux que dormir, dormir, dormir, serrer mes paupières sur mes beaux yeux d’oiseau nocturne, dormir n’importe où, tombé sur le flanc comme un chemineau, dormir inerte, grumeleux de terre, hérissé de brindilles et de feuilles sèches, comme un faune repu....

Je dors, je dors... Une secousse électrique me dresse parfois, - je gronde sourdement comme un tonnerre lointain, - puis je retombe....Même à l'heure où je m'éveille tout à fait, vers la fin du jour, je semble absent et traversé de rêves ; j’ai l’oeil vers Ia fenêtre, l’oreille vers la porte...

Hâtivement lavé, raidi de courbatures, je franchis le seuil, tous les soirs à la même heure, et je m'éloigne, tête basse, moins en élu qu'en banni ... Je m'éloigne, balancé comme une pesante chenille, entre les flaques frissonnantes, en couchant mes oreilles sous le vent. Je m'en vais, insensible à la neige. Je m'arrête un instant, non que j'hésite, mais j’écoute les rumeurs secrètes de mon empire, je consulte l'air obscur, j’y lance, solennels, espacés, lamentables, les miaulements du matou qui erre et qui défie. Puis, comme si le son de ma voix m'eût soudain rendu frénétique, je bondis... On m'aperçoit un instant sur le faîte d'un mur, on me devine là-haut, rebroussé, indistinct et flottant comme un lambeau de nuée - et puis on ne me voit plus...


Les nuits d’amour sont longues ... Je demeure a mon poste, dispos, ponctuel et morose. Ma petite épouse délaissée dort dans sa maison. Elle est douce et bleue, et me ressemble trop. Ecoute-t-elle, du fond de son lit parfumé, les cris qui montent vers moi ? Entend-elle, rugi au plus fort d'un combat par un mâle blessé, mon nom de bête, mon nom ignoré des hommes ?

Oui, cette nuit d'amour se fait longue. Je me sens triste et plus seul qu’un dieu... Un souhait innocent de lumière, de chaleur, de repos traverse ma veille laborieuse... Qu’elle est lente à pâlir, l'aube qui rassure les oiseaux et disperse le sabbat des chattes en délire ! Il y a beaucoup d'années déjà que je règne, que j'aime et que je tue... Il y a très longtemps que je suis beau... Je rêve, en boule, sur le mur glacé de rosée ... J’ai peur de paraître vieux.

Colette

lundi 21 juin 2010

Le cosmonaute (Salamanca)



Il était une étoile
Qui s’trouvait isolée,
Perdue dans le ciel sans voile,
Triste et fatiguée.
Ça faisait des millénaires
Qu’elle était solitaire ;
Elle aurait bien voulu
Rencontrer un inconnu.

Et puis un jour sur la Terre,
On décida qu’sans faute,
On enverrait dans l’éther
Enfin un cosmonaute
Pour explorer le ciel
Et toutes ses merveilles.
On fit ce qu’il fallut
Pour partir dans l’inconnu.

Lorsque la fusée partit
Dans un ciel bleu d’automne,
Ce fut mille cris
De milliers de personnes,
Car par ce grand départ,
C’était la victoire,
Car un homme reviendrait
Avec des tas de secrets.

Mais vous m’avez compris,
Il ne revint jamais,
Car dans l’infini,
Notre étoile pleurait,
Et il la rencontra,
Et il y resta,
Il ne pouvait laisser
Cette étoile abandonnée.

Bien sûr que c’est sur la Terre
Qu’on s’est mis à pleurer ;
On scruta l’univers
Mais on n’a rien trouvé,
Si ce n’est une étoile
Qui n’était pas très calme,
Car l’amour, mes enfants,
N’avait pas perdu son temps.


François-Marie GERARD - FMG © 1976

dimanche 20 juin 2010

samedi 19 juin 2010

vendredi 18 juin 2010

mercredi 16 juin 2010

Le saule pleureur



Saule pleureur

Il perd ses plumes perd ses larmes

Comme un coeur se vide de larmes
L'arrosoir a perdu ses plumes

Éventail au soleil fané
Loterie des mois des années
Dans l'allée le sable s'enroue
Où mon chagrin fera la roue

Jardin faut-il que tu t'en ailles
Et l'été de cet éventail
Secondé par mon petit doigt
Qui chatouille un bouton de rose
Effronté sans pourtant qu'il ose
Trop presser son éclosion

Après s'être bien amusée
La rose rentre en son cocon
La rose revêt sa chemise
Et tout est à recommencer

Et les outils dans la remise
Ensemble-jardin se lamentent
L'arrosoir voudrait sur l'amante
Verser des larmes mais la bêche
N'a pas retrouvé cette espiègle
Qui se cache sous l'herbe sèche.

Raymond Radiguet

mardi 15 juin 2010

Le mur de Lise


Portrait intérieur

Ce ne sont pas des souvenirs
qui, en moi, t'entretiennent ;
tu n'es pas non plus mienne
par la force d'un beau désir.

Ce qui te rend présente,
c'est le détour ardent
qu'une tendresse lente
décrit dans mon propre sang.

Je suis sans besoin
de te voir apparaître ;
il m'a suffi de naître
pour te perdre un peu moins.

Rainer Maria Rilke

lundi 14 juin 2010

La femme lion (Aranjuez)



Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre

Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre :
La gueuse, de mon âme, emprunte tout son lustre ;
Invisible aux regards de l'univers moqueur,
Sa beauté ne fleurit que dans mon triste coeur.

Pour avoir des souliers elle a vendu son âme.
Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme,
Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur,
Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur.

Vice beaucoup plus grave, elle porte perruque.
Tous ses beaux cheveux noirs ont fui sa blanche nuque ;
Ce qui n'empêche pas les baisers amoureux.
De pleuvoir sur son front plus pelé qu'un lépreux.

Elle louche, et l'effet de ce regard étrange
Qu'ombragent des cils noirs plus longs que ceux d'un ange,
Est tel que tous les yeux pour qui l'on s'est damné
Ne valent pas pour moi son oeil juif et cerné.

Elle n'a que vingt ans ; - la gorge déjà basse
Pend de chaque côté comme une calebasse,
Et pourtant, me traînant chaque nuit sur son corps,
Ainsi qu'un nouveau-né, je la tette et la mords,

Et bien qu'elle n'ait pas souvent même une obole
Pour se frotter la chair et pour s'oindre l'épaule,
Je la lèche en silence avec plus de ferveur
Que Madeleine en feu les deux pieds du Sauveur.

La pauvre créature, au plaisir essoufflée,
A de rauques hoquets la poitrine gonflée,
Et je devine au bruit de son souffle brutal
Qu'elle a souvent mordu le pain de l'hôpital.

Ses grands yeux inquiets, durant la nuit cruelle,
Croient voir deux autres yeux au fond de la ruelle,
Car, ayant trop ouvert son coeur à tous venants,
Elle a peur sans lumière et croit aux revenants.

Ce qui fait que de suif elle use plus de livres
Qu'un vieux savant couché jour et nuit sur ses livres,
Et redoute bien moins la faim et ses tourments
Que l'apparition de ses défunts amants.

Si vous la rencontrez, bizarrement parée,
Se faufilant, au coin d'une rue égarée,
Et la tête et l'oeil bas comme un pigeon blessé,
Traînant dans les ruisseaux un talon déchaussé,

Messieurs, ne crachez pas de jurons ni d'ordure
Au visage fardé de cette pauvre impure
Que déesse Famine a par un soir d'hiver,
Contrainte à relever ses jupons en plein air.

Cette bohème-là, c'est mon tout, ma richesse,
Ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse,
Celle qui m'a bercé sur son giron vainqueur,
Et qui dans ses deux mains a réchauffé mon coeur.

Charlers Baudelaire

dimanche 13 juin 2010

El mar (alemania del norte)




El mar

NECESITO del mar porque me enseña:
no sé si aprendo música o conciencia:
no sé si es ola sola o ser profundo
o sólo ronca voz o deslumbrante
suposición de peces y navios.
El hecho es que hasta cuando estoy dormido
de algún modo magnético circulo
en la universidad del oleaje.
No son sólo las conchas trituradas
como si algún planeta tembloroso
participara paulatina muerte,
no, del fragmento reconstruyo el día,
de una racha de sal la estalactita
y de una cucharada el dios inmenso.

Lo que antes me enseñó lo guardo! Es aire,
incesante viento, agua y arena.

Parece poco para el hombre joven
que aquí llegó a vivir con sus incendios,
y sin embargo el pulso que subía
y bajaba a su abismo,
el frío del azul que crepitaba,
el desmoronamiento de la estrella,
el tierno desplegarse de la ola
despilfarrando nieve con la espuma,
el poder quieto, allí, determinado
como un trono de piedra en lo profundo,
substituyó el recinto en que crecían
tristeza terca, amontonando olvido,
y cambió bruscamente mi existencia:
di mi adhesión al puro movimiento.

Pablo Neruda

samedi 12 juin 2010

Hanovre (détail de pont)



Des ciels gris de cristal. Un bizarre dessin de ponts, ceux-ci droits, ceux-là bombés, d'autres descendant ou obliquant en angles sur les premiers, et ces figures se renouvelant dans les autres circuits éclairés du canal, mais tous tellement longs et légers que les rives, chargées de dômes, s'abaissent et s'amoindrissent. Quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures. D'autres soutiennent des mâts, des signaux, de frêles parapets. Des accords mineurs se croisent et filent, des cordes montent des berges. On distingue une veste rouge, peut-être d'autres costumes et des instruments de musique. Sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d'hymnes publics ? L'eau est grise et bleue, large comme un bras de mer. - Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie.
Arthur Rimbaud

vendredi 11 juin 2010

Nuit de pleine lune










Nuit

Le ciel d'étain au ciel de cuivre
Succède. La nuit fait un pas.
Les choses de l'ombre vont vivre.
Les arbres se parlent tout bas.

Le vent, soufflant des empyrées,
Fait frissonner dans l'onde, où luit
Le drap d'or des claires soirées,
Les sombres moires de la nuit.

Puis la nuit fait un pas encore.
Tout à l'heure, tout écoutait.
Maintenant nul bruit n'ose éclore ;
Tout s'enfuit, se cache et se tait.

Tout ce qui vit, existe ou pense,
Regarde avec anxiété
S'avancer ce sombre silence
Dans cette sombre immensité.

C'est l'heure où toute créature
Sent distinctement dans les cieux,
Dans la grande étendue obscure,
Le grand Être mystérieux !

Victor Hugo

mardi 8 juin 2010

Suspension Rodin (Paris)



Apparition

Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête ;
Son vol éblouissant apaisait la tempête,
Et faisait taire au loin la mer pleine de bruit.
- Qu'est-ce que tu viens faire, ange, dans cette nuit ?
Lui dis-je. - Il répondit : - je viens prendre ton âme. -
Et j'eus peur, car je vis que c'était une femme ;
Et je lui dis, tremblant et lui tendant les bras :
- Que me restera-t-il ? car tu t'envoleras. -
Il ne répondit pas ; le ciel que l'ombre assiège
S'éteignait... - Si tu prends mon âme, m'écriai-je,
Où l'emporteras-tu ? montre-moi dans quel lieu.
Il se taisait toujours. - Ô passant du ciel bleu,
Es-tu la mort ? lui dis-je, ou bien es-tu la vie ? -
Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,
Et l'ange devint noir, et dit : - Je suis l'amour.
Mais son front sombre était plus charmant que le jour,
Et je voyais, dans l'ombre où brillaient ses prunelles,
Les astres à travers les plumes de ses ailes.

Victor Hugo

lundi 7 juin 2010

Le coquelicot


Le myosotis, et puis la rose
Ce sont des fleurs qui disent quelque chose
Mais pour aimer les coquelicots
Et n'aimer que ça... faut être idiot!
T'as peut-être raison, seulement voilà:
Quand je t'aurai dit, tu comprendras
La première fois que je l'ai vue
Elle dormait, à moitié nue
Dans la lumière de l'été
Au beau milieu d'un champ de blé
Et sous le corsage blanc
Là où battait son coeur
Le soleil, gentiment
Faisait vivre une fleur
Comme un petit coquelicot, mon âme
Comme un petit coquelicot

C'est très curieux comme tes yeux brillent
En te rappelant la jolie fille
Ils brillent si fort que c'est un peu trop
Pour expliquer... les coquelicots!
T'as peut-être raison, seulement voilà
Quand je t'aurai dit, tu comprendras
J'en ai tant appuyé
Mes lèvres sur son coeur
Qu'à la place du baiser
Y'avait comme une fleur
Comme un petit coquelicot, mon âme
Comme un petit coquelicot

Ça n'est rien d'autre qu'une aventure
Ta petite histoire, et je te jure
Qu'elle ne mérite pas un sanglot
Ni cette passion... des coquelicots!
Attends la fin, tu comprendras
Un autre l'aimait qu'elle n'aimait pas
Et le lendemain, quand je l'ai revue
Elle dormait à moitié nue
Dans la lumière de l'été
Au beau milieu du champ de blé
Mais, sur le corsage blanc
Juste à la place du coeur
Y'avait trois gouttes de sang
Qui faisaient comme une fleur
Comme un petit coquelicot, mon âme
Comme un petit coquelicot
Comme tout petit coquelicot

Les compagnons de la chanson

dimanche 6 juin 2010

vendredi 4 juin 2010

Les trompettes de la renommée (Champignons Foret de Saint Sever)



Je vivais à l'écart de la place publique,
Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique...
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir.
Les gens de bon conseil ont su me fair' comprendre
Qu'à l'homme de la ru' j'avais des compt's à rendre
Et que, sous peine de choir dans un oubli complet,
J' devais mettre au grand jour tous mes petits secrets.

{Refrain:}
Trompettes
De la Renommée,
Vous êtes
Bien mal embouchées !

Manquant à la pudeur la plus élémentaire,
Dois-je, pour les besoins d' la caus' publicitaire,
Divulguer avec qui, et dans quell' position
Je plonge dans le stupre et la fornication ?
Si je publi' des noms, combien de Pénélopes
Passeront illico pour de fieffé's salopes,
Combien de bons amis me r'gard'ront de travers,
Combien je recevrai de coups de revolver !

A toute exhibition, ma nature est rétive,
Souffrant d'un' modesti' quasiment maladive,
Je ne fais voir mes organes procréateurs
A personne, excepté mes femm's et mes docteurs.
Dois-je, pour défrayer la chroniqu' des scandales,
Battre l' tambour avec mes parti's génitales,
Dois-je les arborer plus ostensiblement,
Comme un enfant de chœur porte un saint sacrement ?

Une femme du monde, et qui souvent me laisse
Fair' mes quat' voluptés dans ses quartiers d' noblesse,
M'a sournois'ment passé, sur son divan de soi',
Des parasit's du plus bas étage qui soit...
Sous prétexte de bruit, sous couleur de réclame,
Ai-j' le droit de ternir l'honneur de cette dame
En criant sur les toits, et sur l'air des lampions :
" Madame la marquis' m'a foutu des morpions ! " ?

Le ciel en soit loué, je vis en bonne entente
Avec le Pèr' Duval, la calotte chantante,
Lui, le catéchumène, et moi, l'énergumèn',
Il me laisse dire merd', je lui laiss' dire amen,
En accord avec lui, dois-je écrir' dans la presse
Qu'un soir je l'ai surpris aux genoux d' ma maîtresse,
Chantant la mélopé' d'une voix qui susurre,
Tandis qu'ell' lui cherchait des poux dans la tonsure ?

Avec qui, ventrebleu ! faut-il que je couche
Pour fair' parler un peu la déesse aux cent bouches ?
Faut-il qu'un' femme célèbre, une étoile, une star,
Vienn' prendre entre mes bras la plac' de ma guitar' ?
Pour exciter le peuple et les folliculaires,
Qui'est-c' qui veut me prêter sa croupe populaire,
Qui'est-c' qui veut m' laisser faire, in naturalibus,
Un p'tit peu d'alpinism' sur son mont de Vénus ?

Sonneraient-ell's plus fort, ces divines trompettes,
Si, comm' tout un chacun, j'étais un peu tapette,
Si je me déhanchais comme une demoiselle
Et prenais tout à coup des allur's de gazelle ?
Mais je ne sache pas qu'ça profite à ces drôles
De jouer le jeu d' l'amour en inversant les rôles,
Qu'ça confère à ma gloire un' onc' de plus-valu',
Le crim' pédérastique, aujourd'hui, ne pai' plus.

Après c'tour d'horizon des mille et un' recettes
Qui vous val'nt à coup sûr les honneurs des gazettes,
J'aime mieux m'en tenir à ma premièr' façon
Et me gratter le ventre en chantant des chansons.
Si le public en veut, je les sors dare-dare,
S'il n'en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je m'endors comme un loir

jeudi 3 juin 2010

Les en hauts (Bruxelles)



C'était au temps où Bruxelles rêvait
C'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles chantait
C'était au temps où Bruxelles bruxelait

Place de Broukère on voyait des vitrines
Avec des hommes des femmes en crinoline
Place de Broukère on voyait l'omnibus
Avec des femmes des messieurs en gibus
Et sur l'impériale
Le cœur dans les étoiles
Y avait mon grand-père
Y avait ma grand-mère
Il était militaire
Elle était fonctionnaire
Il pensait pas elle pensait rien
Et on voudrait qu'je sois malin

C'était au temps où Bruxelles chantait
C'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles rêvait
C'était au temps où Bruxelles bruxelait

Sur les pavés de la place Sainte-Catherine
Dansaient les hommes les femmes en crinoline
Sur les pavés dansaient les omnibus
Avec des femmes des messieurs en gibus
Et sur l'impériale
Le cœur dans les étoiles
Y avait mon grand-père
Y avait ma grand-mère
Il avait su y faire
Elle l'avait laissé faire
Ils l'avaient donc fait tous les deux
Et on voudrait qu'je sois sérieux

C'était au temps où Bruxelles rêvait
C'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles dansait
C'était au temps où Bruxelles bruxelait

Sous les lampions de la place Sainte-Justine
Chantaient les hommes les femmes en crinoline
Sous les lampions dansaient les omnibus
Avec des femmes des messieurs en gibus
Et sur l'impériale
Le cœur dans les étoiles
Y avait mon grand-père
Y avait ma grand-mère
Il attendait la guerre
Elle attendait mon père
Ils étaient gais comme le canal
Et on voudrait qu'j'aie le moral

C'était au temps où Bruxelles rêvait
C'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles chantait
C'était au temps où Bruxelles bruxelait

Jacques Brel

Merci de penser à respecter la créativité d'autrui

Merci de penser à respecter la créativité d'autrui

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